Bob a raté médecine
Dans le journal du jour, je lis ceci qui n'est pas sans me rappeler une idée d'un collègue (appelons-le Bob aujourd'hui) pour notre école. Il est dit qu'il faut aider les étudiants de première médecine à réussir leur année ... et l'aide à la réussite des étudiants de premières, c'est à la mode.
(Belga) L'étalement sur deux ans de la première année des études de médecine pourra être imposé par un jury dès la session de janvier 2013 à l'étudiant qui n'aura pas obtenu une moyenne de 8 sur 20, selon le projet de réforme des études de médecine présenté vendredi par le ministre Jean-Claude Marcourt (PS).
L'annonce Belga
Qu'est-ce que l'étalement ?
Si un constat d'échec en première peut-être posé par l'étudiant (ou par les professeurs) dès la fin du premier quadrimestre (en javier donc), inutile de «perdre» le second quadrimestre en se trainant dans des cours que l'on ne comprend plus (ou au café). Mieux vaut pouvoir bénéficier d'un horaire adapté et alégé afin de réussir quelques cours et se trouver dans une démarche de réussite.
Pour l'université et, plus particulièrement les étudiants en médecine, il s'agit de (je cite)
Le projet prévoit une évaluation en janvier pouvant mener, en cas d'échec grave, à l'élaboration d'un contrat d'études pour le deuxième quadrimestre, après entretien avec un jury académique si l'étudiant le souhaite. Ce programme particulier pourra déboucher soit sur de nouvelles remédiations, soit sur un étalement accompagné d'une remédiation, soit encore sur une réorientation dès février vers d'autres études "plus adaptées aux aptitudes ou aux goûts de l'étudiant".
Mais si l'étudiant n'accepte pas la proposition du jury, ce dernier pourra imposer l'étalement de l'année d'études dès lors que la moyenne en janvier est inférieure à 8/20 ou un complément de remédiation si elle est inférieure à 10/20, le seuil de réussite étant quoi qu'il en soit fixé à 12/20 en fin d'année. (BPE)
L’étalement, mesure originale du projet, n’est pas considérée comme un redoublement. L’étudiant conserve donc ses droits aux allocations d’études et peut reporter ses notes des matières réussies. Un nouveau minerval n’est pas dû, mais bien un droit fixe d’une trentaine d’euros.
Cette proposition rejoint l'idée de Bob pour l'ÉSI. Puisqu'il faut réfléchir à la réussite des étudiants de première et que l'on constate (depuis la nuit des temps) que le taux de réussite est faible, mieux vaut tenter d'être innovant.
L'idée de Bob concerne les cours de langage Java et de logique particulièrement. Ce sont des cours importants et assez difficiles pour les étudiants de première. Ce sont des cours assez évolutifs pour lesquels il est impossible de suivre le second quadrimestre si l'on n'a pas acquis les concepts pendant le premier quadrimestre. L'idée donc, est de permettre aux étudiants en situtation d'échec en janvier de
- reconnaître qu'ils ont très peu de chances de réussir leur première année en une fois,
- accepter de laisser tomber volontairement certains cours (qu'ils présenteront donc l'année d'après),
- bénéficier d'un horaire adapté avec un cours adapté pour des cours ciblés (java, logique, ...)
À la fin de l'année,
- ils ne présentent pas les cours qu'ils ont laissés tomber et obtiennent donc 0 [1]
- ils présentent les cours «remédiés» avec les autres étudiants
... lors de la délibération, ils ne réussiront pas leur année ... mais ils auront eu (beaucoup) plus de chances de réussir des examens qu'ils auraient plus que probablement raté. Leur année se solde au pire, par une série de bonnes dipenses et de bonnes bases pour bisser, au mieux par une réussite à 48 ECTS.
Pour l'école, le coût peut être faible[2]. Des profs donneraient le (attention à la dénomination) «cours standard» et d'autres profs donneraient le «cours remédié».
À réfléchir ...
Commentaires
Je reste dubitatif. Cette solution garde un parfum de nivellement par le bas, et un peu aussi de perte de temps. Les étudiants peuvent déjà profiter de la réussite à 48 crédits pour aménager leurs horaire, et donc s'arranger pour faire un étalement "non officiel". En réseau, il n'y a pas (sauf erreur de ma part) de cours déclaré comme prérequis pour la deuxième, et on peut donc abandonner un voire deux "gros" cours pour l'année d'après, et consacrer son temps à relever le niveau des autres. Pour moi, une mesure d'étalement officielle permettrait juste de faciliter la chose, et de lui enlever son côté "pari risqué".
Ca devrait aider les élèves, c'est clair. Mais est-ce indispensable ?
Je ne crois pas que les cours de l'ESI soient infranchissables.
Même des étudiants qui n'ont pas spécialement appris à travailler ou appris à apprendre lorsqu'ils étaient en secondaire peuvent s'en sortir, pour peu qu'ils prennent conscience assez tôt de ce qu'il faut faire pour réussir. A mes yeux, ceux qui échouent sont ceux qui manquent de motivation, de volonté et/ou de persévérance. Et souvent aussi, de maturité... Leur offrir des mesures particulières, c'est gentil, c'est humain, mais est-ce vraiment un cadeau ? On leur dit en substance "tu travailles pas assez, donc tu galères, mais c'est pas grave, on va te laisser le temps", et on ne les aide pas à se réveiller. Je suis prêt à parier qu'un bon pourcentage des élèves bénéficiant d'un tel étalement auront un gros pourcentage de doublement une fois arrivé en deuxième : ils n'auront pas eu le coup de fouet nécessaire pour développer les nouvelles compétences pour réussir. D'où le temps perdu : on ne fait que repousser leur échec, comme c'est (c'était ?) le cas en empêchant le doublement de la première secondaire.
Je reste dans l'optique qu'une haute école, ça nous apprend un métier. Et dans un métier, on bosse. Les entreprises ne feront pas de cadeau, si on en fait de trop aux étudiants, ils vont s'écrouler une fois sorti. Oh, ils auront un diplôme, et un bon paquet de connaissances, mais auront-ils appris à persévérer et à trimer ? A la fin, c'est autant eux que la réputation de l'école qui risquent d'en pâtir.
Un bon compromis, ça pourrait être de permettre l'étalement, mais d'être sélectif, ne l'offrir qu'aux étudiants qui ont des difficultés réelles, pas ceux qui ont du mal parce qu'ils glandent. Là, on sauverait ceux qui ont pas de chance (soucis externe à l'école qui empêche de travailler, par exemple) ou qui sont un peu dépassés mais montrent une vraie volonté de réussir, plutôt que de tendre la main à ceux qui ont au contraire besoin d'un coup de pied aux fesses.
Brièvement (et donc incomplètement).
La dualité entre «on bosse et on suit, sinon tant pis» et «aidons, adaptons, remédions pour en amener plus à la réussite» sera toujours présente ... et, comme toujours, la réponse n'est ni blanche ni noir ... c'est toujous ce gris (clair ou fonçé ;-) )