Joëlle Milquet fait état dans la presse de la mise en œuvre de l'élaboration du pacte pour l'excellence de l'enseignement francophone. J'ai lu pour vous le draft confidentiel.

Le document compte 34 pages.

Les 14 premières pages font un état des lieux de la situation de l'enseignement francophone telle qu'elle est perçue par les différents indicateurs.

Ceux qui sont proches de l'enseignement, ceux qui le sont moins et même La Palice (après sa mort) ne seront pas surpris par ce long état des lieux qui dit en substance que de bonnes choses se font dans l'enseignement tant général que technique ou professionnel et qu'il reste des défauts.

Le draft s'intéresse à la qualité, l'équité, la modernité et l'efficacité de l'enseignement.

Sans reprendre ici les arguments présentés qui sont quasi connus de tous, je donne quelques chiffres qui m'ont (un peu) surpris à la lecture du document.

  • Il y a une quantité non négligeable (combien ?) d'élèves qui obtiennent entre 50% et 60% au CEB.
  • 19% des élèves de 15 ans restent en grande difficulté de lecture.
  • Le taux de décrochage est anormalement élevé; ±20% dans le Hainaut et à Bruxelles et 9% en Flandre (no comment).

Le draft dit que le taux d'échec et de redoublement est trop important (même en maternelle et en primaire) et que 95% des élèves obtiennent leur CEB ce qui m'emmène deux questions:

— Est-ce que tout le monde doit obtenir son CEB ?
— Que faire pour éviter le redoublement ?

À la première question, je répondrais « oui ». Ce qui ne doit pas induire un abaissement du niveau du CEB comme on l'entend souvent mais impose une meilleure prise en charge des élèves en difficultés.

À la première question, je répondrais « non » (ben, on peut changer d'avis). Dès lors que l'élève souffre d'un handicap, il doit être accompagné pour s'intégrer au mieux dans la société en fonction de son handicap.

À la seconde question, je n'ai pas de réponse. Comme de toute façon je change d'avis, c'est sans doute mieux comme ça !

Ce draft nous rappelle que l'enseignement est peu équitable et que le qualifiant est trop souvent assimilé à une filière de relégation. Nous ne le savons que trop bien. Si les différences proviennent sans surprise du milieu social et de l'établissement (on parle d'école plus ou moins performante) elles sont aussi liées au redoublement. Doubler ne permet pas de mieux réussir1.

Le rapport montre peu de disparité en fonction du genre et de l'origine (au sens immigration) mais souligne des disparités en fonction de l'origine sociale et du type d'enseignement. Pas de surprise, le gouvernement fait le constat qu'au fur et à mesure de l'avancement dans les années du secondaire, le glissement des étudiants se fait du général vers le professionnel en passant par le technique au fur et à mesure des redoublements. L'environnement social de l'étudiant étant intimement lié à ce constat. Se retrouvent donc en professionnel des élèves issus d'un milieu social défavorisé et ayant souvent redoublés.

Le taux de réussite dans l'enseignement supérieur est, comme toujours, jugé trop faible. Dans ce cas, le taux de réussite est « genré »; les filles réussissent mieux que les garçons. Et les étudiants « à l'heure » (sans redoublement) aussi.

70% des élèves ayant terminés le secondaire entament des études supérieures. Ceci m'amène une troisième question pour laquelle je n'ai pas de réponse non plus:

— À l'heure où il manque du personnel qualifié, est-ce qu'entamer des études supérieures est (encore) indispensable ?

Les enseignants « travaillent comme ils peuvent à l'intérieur d’un système dont ils perçoivent les dysfonctionnements mais qu'ils sont malheureusement impuissants à changer ».

Robert Deschamps « Un meilleur enseignement : nous le pouvons si nous le voulons »

À la page 9, le draft parle des acteurs de l'enseignement dont les enseignants font partie en des termes assez élogieux. J'ai un peu l'impression de me faire sucer et comme ce n'est pas désagréable, je cite2:

Les enseignants doivent faire face à une nouvelle société numérique d’accès libre aux savoirs, à de nouveaux jeunes, aux origines et problèmes multiples, venant de familles aux habitudes et à l’implication pédagogique diverses, dans un contexte où l’autorité parentale s’est affaiblie, où les références, valeurs, rythmes de vie sont bousculés. Ils exercent une des missions les plus fondamentales, les plus évolutives et les plus difficiles de notre société, mais, paradoxalement, leur profession n’est pas assez attirante socialement et financièrement et est trop souvent délaissée par un certain type d’étudiants au profit de carrières mieux valorisées et rémunérées relevant du secteur marchand et du monde de l’entreprise.

Extrait du draft pour la préparation du Pacte de l'excellence de l'enseignement

Ces 14 pages dressant l'état des lieux se terminent par une mise en situation d'urgence.

Le renforcement de la qualité de l'enseignement francophone est devenu une urgence collective.

Après avoir rappelé que l'enseignement est le premier vecteur du développement personnel et collectif mais également du développement collectif de la société le document passe à l'étape « kickstarter » !

On nous rappelle quelles seront les priorités du pacte pour nous mener à l'excellence (je dis ça sans humour).

L'objectif du pacte pour l'excellence de l'enseignement francophone est le renforcement de la qualité par les acteurs scolaires, les élèves, les contenus, l'organisation et les ressources.

Les priorités du pacte sont (oh surprise); l'accompagnement de l'élève pour le tirer vers le haut, l'accompagnement des acteurs de l'enseignement —pour les former, les valoriser, les soutenir—, l'offre d'enseignement plus ancrée dans le XXI et une meilleure gestion3.

Les pages suivantes vont insister sur l'aspect participatif de l'élaboration du pacte pour l'excellence de l'enseignement francophone.

Un site web sera mis en place le 26 janvier 2015 pour informer et recueillir les avis des acteurs de l'enseignement avant la publication du pacte d'excellence de l'enseignement. Non seulement les acteurs de l'enseignement mais le monde politique et … le citoyen seront consultés.

[sarcasme] Si un site web est mis en place et que tout le monde est consulté, alors tout va bien, c'est gagné ! [/sarcasme]

Les pages 15 à 22 sont une explication de la démarche utilisée et, surtout, une promotion crasse permettant de fédérer un maximum de monde autour du projet.

Vient ensuite le planning détaillé.

Les différentes phases de l'élaboration du pacte

  • Phase 1 (janvier 2015 à mi-avril 2015)
    État des lieux, diagnostic de l'état actuel de la situation et définition de l'objectif de l'enseignement (pp 23-25)
  • Phase 2 (avril 2015 à décembre 2015)
    Plans d'actions visant à renforcer la qualité de l'enseignement (pp 25-29)
  • Phase 3 (janvier 2016 à mars 2016)
    Dernière étape, explication, sensibilisation et discussion participative (décidément ce mot revient tout le temps) autour du projet de pacte d'excellence de l'enseignement (pp 29-30)
  • Phase 4 (avril 2016)
    Adoption du pacte et d'un plan de mise en œuvre (p 30)
  • Phase 5 (2015 à 2015)
    Mise en œuvre du pacte pour l'excellence de l'enseignement.

Les dernières pages précisent qui fait quoi en précisant quels sont les groupes de travail.

Il reste à savoir où et comment s'impliquer si l'on veut être un acteur.


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Crédit photo chez DeviantArt par Rattattart


  1. L'idée d'organiser une deuxième différenciée en fin de premier cycle par exemple est une bonne idée pour éviter le redoublements « bête ». Cette année supplémentaire est une année permettant aux élèves d'arriver au même niveau en un peu plus de temps. Dommage que ce soit si difficile à mettre en œuvre au quotidien dans les écoles. 

  2. C'est grâce à des formulations comme celle-là que ce que j'écris est rarement répété, lié, cité, … Et pourtant c'est tellement bien dit ;-) 

  3. Là, il est écrit en petit « réduction des couts de fonctionnement ».